mercredi 10 octobre 2012

Le notariat ouvert aux avocats, universitaires... sur simple examen oral

Un projet de décret d'application de la nouvelle loi sur la profession introduit cette possibilité : examen oral et stage d'un an chez un notaire. Les notaires craignent un nivellement de la profession par le bas en raison d'une méthode d'évaluation jugée légère.
ramid mustapha Notaires maroc
La nouveauté fera l’effet d’une bombe. Dans quelques semaines, la profession de notaire sera ouverte aux professeurs de l’enseignement supérieur, aux avocats, aux magistrats, aux inspecteurs des impôts ainsi qu’aux conservateurs de la propriété foncière. Mieux encore, tous ces professionnels seront dispensés des traditionnels examen et stage pour accéder au notariat. C’est ce qui est prévu par le ministère de la justice dans son projet de décret d’application de la nouvelle loi sur le notariat qu’il vient de diffuser auprès de la profession et dont La Vie éco détient copie.

Pour détailler le contenu du nouveau cadre, précisons bien qu’il est question d’ouvrir le notariat aux enseignants du supérieur titulaires d’un doctorat en droit et justifiant de 15 ans de carrière au moins.
De même pour les avocats, seuls sont admissibles ceux agréés à la Cour de cassation. Les magistrats visés sont ceux de premier grade au moins titulaires d’une licence en droit. Enfin, les conservateurs de la propriété foncière et les inspecteurs des impôts, spécifiquement ceux chargés de l’enregistrement, doivent avoir au moins 10 ans d’expérience.

Tous ces candidats sont admissibles à la seule condition que leur démission ou leur départ à la retraite soit accepté sachant qu’ils ne doivent pas avoir plus de 55 ans à la date de présentation de leur demande. Ils seront donc dispensés de la procédure d’admission classique, à savoir un examen écrit et oral ainsi que plusieurs années de stage. Au lieu de cela, ils n’auront l’obligation d’effectuer qu’une année de stage après le passage d’un examen oral portant entre autres sur le code des droits réels, le code des impôts ou encore la conservation foncière.

La commission d’évaluation ne comptera qu’un notaire sur un total de quatre membres

L’on s’en doute, ce bouleversement fait grincer des dents les notaires. Alors que ces derniers, réunis sous la bannière de la Chambre nationale du notariat moderne du Maroc (CNNMM), une des deux associations représentatives de la profession, disent ne pas s’opposer à l’ouverture de leur corps à de nouvelles compétences, ils insistent sur le fait que le système d’évaluation proposé pour les candidats dispensés est loin de suffire et qu’il ne permet pas forcément de ne retenir que les meilleurs profils.

Qui plus est les notaires estiment ne pas avoir suffisamment la main sur le processus de sélection alors qu’ils sont les premiers concernés. Ils en veulent pour preuve que dans le décret d’application de la loi, la commission en charge d’évaluer les professionnels dispensés du concours classique ne compte qu’un notaire, en l’occurrence le président de l’ordre national des notaires ou son délégué, sur un total de 4 membres.
Un autre reproche brandi par les notaires à l’encontre du système d’évaluation proposé est qu’il est inéquitable vis-à-vis des candidats empruntant la voie classique. Ces derniers bénéficient au passage de quelques acquis grâce à la nouvelle loi mais leur parcours n’en reste pas moins relativement long. Ils doivent dans le détail détenir une licence de droit (3 ans d’études) pour se présenter à un examen écrit et un autre oral pour l’accès à la profession. Suite à quoi le candidat doit passer une année d’études pratiques au sein du futur institut de formation professionnelle au notariat dont la création est prévue par la loi. Viennent ensuite trois ans de stage dans une étude notariale pour enfin passer un examen final comportant là encore un volet écrit et oral.

Le transfert des fonds à la CDG encore plus problématique aux yeux des notaires

A côté des voies proposées pour ouvrir le notariat, les professionnels expriment également leur mécontentement quant à un décret d’application fixant les modalités d’organisation et de gestion de leur compte au sein de la Caisse de dépôt et de gestion (CDG). Pour récapituler la situation, selon la nouvelle loi, les notaires seront obligés de transférer les fonds qu’ils détiennent à la CDG, sans passer par les banques. Une disposition qui, selon eux, complique leur mission du fait que la CDG ne s’aligne pas sur les banques en termes de standards de service (www.lavieeco.com). A présent que le ministère de la justice a livré un projet de décret précisant les modalités pratiques de ce processus, les notaires se disent confortés dans leurs craintes. «La CDG exige le versement de fonds par le notaire au profit d’un bénéficiaire unique», avance un professionnel. Cela rendrait selon lui impossibles les tâches exercées au quotidien. Et d’illustrer : «Dans le cadre de la cession d’un bien grevé par un crédit, le notaire ne sera plus en mesure de répartir le fruit de la vente entre la banque (pour le remboursement anticipé du crédit) et le vendeur».

D’autres points de la loi et des textes d’application suscitent la grogne des professionnels. Et ces derniers envisagent même de s’engager dans un rapport de force avec la tutelle.
La CNNMM a suspendu le dialogue avec la tutelle jusqu’à nouvel ordre en brandissant notamment la menace de suspendre sa participation au dialogue national sur la réforme de la justice, d’engager des grèves et des sit-in de protestation. Et encore, cette montée de ton intervient alors que la tutelle n’a pas encore proposé de projets de décret relatifs aux sujets très sensibles des honoraires et de l’assurance de la profession.

Casa et Rabat : Jusqu'à 9 ans pour un notaire débutant pour y accéder

S’ils se font défenseurs d’une libéralisation de leur profession, les notaires se gardent bien de commenter les mesures contenues dans la nouvelle loi qui entravent ce processus. Les notaires qui ouvrent leur propre étude doivent d’abord accumuler de l’ancienneté dans des villes «secondaires» avant de pouvoir accéder aux marchés les plus porteurs de Casablanca et Rabat. Ainsi, les professionnels débutent au bas de l’échelle dans des villes regroupées dans une catégorie «d». Après une période pouvant aller jusqu’à 9 ans, ils sont autorisés à passer au groupe «c» (El Jadida, Settat, Tétouan…), puis «b» (Salé, Témara, Fès, Tanger…) et enfin «a» incluant Casablanca et Rabat. Du corporatisme à peine déguisé.
Réda Harmak. La Vie éco

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