vendredi 7 juin 2013

LES NOTAIRES ENFIN BLINDÉS CONTRE LE RISQUE PROFESSIONNEL


L’OBLIGATION DE SOUSCRIRE À UNE ASSURANCE RESPONSABILITÉ CIVILE
CONVENTION ENTRE SANAD ET LES NOTAIRES CASABLANCAIS
POURQUOI LE CONSEIL NATIONAL N’A PAS ENCORE DIT SON MOT

          
«A partir de ce soir, je vais dormir plus tranquillement», confie publiquement le notaire Zahr Benjelloun. Déclaration révélatrice des enjeux qu’implique l’obligation de souscrire à l’assurance responsabilité civile professionnelle. Elle est impérative depuis l’entrée en vigueur de la loi régissant le notariat, soit le 24 novembre 2012. L’intérêt de cette mesure est  de préserver les notaires contre les risques pécuniaires d’une éventuelle action judiciaire d’un usagé se considérant comme victime d’une erreur professionnelle. Son montant minimal de 5 millions de DH a été fixé par un décret publié au Bulletin officiel du 15 avril 2013.
D’où la portée de l’événement: une convention d’assurance de responsabilité civile (RC) professionnelle a été signée le 4 juin à Casablanca entre le Conseil régional des notaires casablancais et Sanad. Le contrat prévoit deux options de garantie: l’une plafonnée à 5 millions de DH et l’autre à 10 millions de DH. La convention prend effet du 1er juin 2013 pour une durée de 3 ans et sera renouvelable par tacite reconduction.
La société PGA -Prévention générale d’assurance- «a été mandatée par le Conseil régional de Casablanca pour sonder le marché et négocier les offres des compagnies d’assurances», précise le président de l’Ordre régional, Abdellatif Yagou. Afin de verrouiller leur contrat, une commission constituée de trois notaires chevronnés, tels qu’Amine Fayçal Benjelloun, a émis préalablement son avis dans un procès-verbal validé par le Conseil régional de Casablanca.
La société intermédiaire, PGA, explique que «Sanad a présenté la meilleure offre en termes de garanties et de tarifs. Plus le nombre de souscripteurs sera élevé et plus le ticket d’entrée (prime d’assurance) et la récurrence du risque seront bas». Manière d’inviter les 374 notaires que compte la région de Casablanca à souscrire «massivement» au contrat d’assurance. Sanad, elle, revendique 1,4 milliard de DH répartis entre deux pôles: «risque industriel» (le plus grand) et risques particuliers et professionnels. «Le segment professionnel est stratégique pour Sanad qui assure déjà la RC professionnelle des avocats casablancais. Pour les notaires, nous avons opté pour un tarif d’appel dans le but d’équilibrer ce produit via un élargissement de la couverture et pour proposer ensuite d’autres produits d’assurance (maladie, automobile, retraite…)», déclare Abdelilah Laamarti, DG de la compagnie.
L’article 26 de la loi régissant le notariat est clair. La profession est tenue de «souscrire à une assurance responsabilité civile» qui couvre «les préjudices occasionnés par ses fautes professionnelles, celles de ses stagiaires ou de ses salariés». La souscription doit se faire «avant que le notaire n’entame l’exercice de son activité». Est-ce vraiment le cas?
Négatif. Le cas de Casablanca, où est concentré le plus grand nombre de notaires, est emblématique. En s’adressant à ses membres, le président de l’Ordre régional assure que «la profession est hors la loi et que le procureur du Roi de la Cour d’appel de Casablanca l’a sollicité pour mettre en place un plan d’inspection des études notariales».
Un notaire est légalement tenu de fournir «chaque année» une attestation de souscription à une assurance responsabilité civile, sous peine de poursuites disciplinaires. Sans oublier le risque pénal.
Inspection du parquet
Ce dossier fait face à un autre problème. Comment se fait-il que le Conseil régional de Rabat notamment n’a pas signé à son tour de convention avec les assureurs? Circonscription qui compte le plus grand nombre de notaires (plus de 160) après Casablanca. Son président, Amine Zniber, rétorque que «cette prérogative relève, selon l’article 99, du Conseil national des notaires».
Ce conseil national des notaires n’a pas vu encore le jour. Créé par la loi de novembre 2012, son président et ses membres ne seront élus que le 15 juin 2013 à Rabat.
Quelle posture adopter? Le président du Conseil régional de Casablanca «ne veut pas rester en infraction avec la loi surtout que les inspections du parquet vont se faire… L’article 99 parle plutôt de l’Ordre des notaires et qui exerce ses attributions par l’intermédiaire du Conseil national et des Conseils régionaux (article 104), d’où le bien-fondé de notre initiative». L’argumentaire est solide. Mais sera-t-il totalement partagé par les membres du Conseil national des notaires? Au-delà d’éventuelles batailles de compétence, l’essentiel est de rester dans la légalité. Surtout pour des professionnels du droit.
Désagrément d’une loi
Depuis l’entrée en vigueur de la loi sur le notariat en novembre 2012, toutes les parties au contrat -y compris la banque- doivent être présentes dans le cabinet du notaire. «Sinon, l’acte est frappé de nullité. En attendant son amendement, l’article 12 retarde la conclusion des transactions. D’autant plus que rares sont les banquiers qui se déplacent», témoigne un notaire de Casablanca qui donne pour seul exemple Attijariwafa bank. Que faire? «Les banques devraient signer une subdélégation de pouvoir à leurs représentants. Sans ce mandat spécial, il ne peut y avoir de mainlevé sur un bien. Il reste donc gelé: ni vente, ni achat». Un autre point complique la donne. La loi même si elle accorde une compétence nationale au notaire, elle lui interdit de recevoir les actes et les signatures des parties en dehors de son cabinet. A moins qu’intervient notamment une autorisation expresse du président du Conseil régional… Mais là c’est une autre paire de manches. Malgré qu’elle soit nouvelle, les notaires réclament déjà de réformer une loi qui montre des failles.
Faiçal FAQUIHI